La norme NF P98-352 – Interview exclusive de Thierry Jammes

Ce n’est pas tous les jours que l’on a la chance d’avoir un expert connu au niveau national pour nous donner les clefs de compréhension des normes. Thierry Jammes, président de la CFPSAA, a eu la gentillesse de répondre à nos questions sur la norme NF P98-352.

Bonjour monsieur Jammes, puis-je vous demander de vous présenter en quelques mots SVP ?

Bonjour, je suis Thierry Jammes, Président de la Commission d’Accessibilité de la Confédération Française pour la Promotion Sociale des Aveugles et Amblyopes (CFPSAA). En clair, je suis chargé pour le compte des associations et des 30 000 adhérents que nous représentons, de négocier les textes réglementaires qu’ils soient décrets, arrêtés ou normes AFNOR, ce qui nous concerne aujourd’hui.

Aujourd’hui nous avons choisi d’aborder le sujet du guidage podotactile et plus particulièrement de la norme NFP 98 352. Pouvez-vous nous en dire plus ? Notamment rapport à la précédente norme ?

Tout d’abord je tiens à préciser concernant la norme qu’il n’y a pas eu d’avant et d’après. Simplement, quelques légères modifications ont été actées par les laboratoires présents dans le groupe de normalisation.

En revanche, la grande nouveauté, c’est d’avoir des éléments de guidage, ce que nous n’avions pas auparavant. Chacun faisait à sa manière et nous avons voulu avoir une unité des bandes de guidage sur le territoire afin que les personnes aveugles ou malvoyantes aient un seul signe tactile ou deux signes tactiles au sol qui permettent de les guider et de les orienter.

Au niveau du produit en lui-même, et plus particulièrement au niveau des cannelures, il a été adopté deux types de bandes de guidage :

– Une bande de guidage simple (4 cannelures)

– Une bande de guidage double qui s’adressent aux opérateurs selon les circonstances. (2 bandes à 3 cannelures)

Comment peut-on choisir entre ces deux solutions ? Vous parlez de circonstances, pouvez-vous préciser ? On imagine que c’est la garantie de la qualité d’usage qui est en jeu, mais pas uniquement n’est-ce pas ?  

On écrit des normes pour sécuriser un système qui doit fonctionner et créer une unité sur le territoire. L’objectif est bien évidement de garantir la sécurité d’usage. On ne crée pas des normes pour créer des normes !

Pour ce qui est du choix entre trois ou quatre cannelures, en règle générale c’est la bande de guidage simple (4 cannelures) qui sera utilisée. Le double guidage, soit deux bandes à 3 cannelures et un vide entre les deux, sera utilisé dans des cas spécifiques comme par exemple :

  • Des gares ou autres sites à forte fréquentation ou en extérieur,
  • Des parvis afin que la personne ait toujours la double information sur une longue distance.

En règle générale c’est la bande de guidage simple (4 cannelures) qui sera utilisée. Le double guidage, soit deux bandes à 3 cannelures et un vide entre les deux, sera utilisé dans des cas spécifiques

Car c’est bien là l’objectif ! Dès que vous suivez une bande de guidage simple dans une endroit simple, vous avez une seule information sous la canne et cela est suffisant. Mais de temps en temps, le guidage s’avère difficile parce qu’il y a du flux, notamment dans les grands espaces et à ce moment-là il faut avoir le double rebond à la canne. C’est ce que nous préconisons.

Si un de nos clients choisit le double guidage, avez-vous des conseils à lui donner pour sa mise en œuvre ?

Tout d’abord je tenais à lever une ambiguïté. On associe souvent la notion du handicap au fauteuil roulant, cela induit malheureusement en erreur. J’ai pu constater ici et là des chemins de guidage mal mis en œuvre. Les installateurs se sont dit que les personnes en fauteuil pourraient les utiliser. Ils ont donc écarté les bandes de guidage pour laisser le fauteuil passer entre les deux. Je tiens à rappeler que le guidage n’est absolument pas fait pour les personnes en fauteuil roulant.  Cette mauvaise installation annule le résultat recherché : la personne aveugle n’ayant plus l’effet double rebond du fait de l’écartement des bandes, elle n’est plus orientée correctement et c’est comme si on n’avait rien fait.

« Focus sur les bonnes pratiques de mise en œuvre »

Les études en France considèrent que la largeur du passage utile est de 60cm, quelle que soit votre corpulence. Concernant l’installation de la double bande de guidage, il faut respecter un espace de 39cm entre les deux bandes de 20cm, pour une raison simple : le fameux double rebond. En effet, dans un balayage habituel de protection classique, la canne va obligatoirement rebondir deux fois sur ces 79cm (39+20+20). Si vous écartez d’avantage les bandes de guidage, c’est comme si vous n’aviez qu’une seule bande de guidage.

La double bande de guidage, il faut respecter un espace de 39cm entre les deux bandes de 20cm.

Alors si vous avez choisi de payer et d’installer un chemin de guidage double, c’est que cela s’avère nécessaire ; il ne faut pas le gaspiller en écartant de trop les bandes de guidage.

Pour finir, selon votre expérience, le guidage au sol suffit-il pour orienter et guider correctement ou doit-on le compléter par d’autres dispositifs ?

A la CFPSAA, nous avons un principe pour expliquer la chose : pour les usagers lambda, il ne peut y avoir de rues sans panneaux de signalisation. Si on enlevait tous les panneaux de votre quartier, vous vous débrouillerez car vous connaissez l’endroit. Mais si demain vous allez dans une nouvelle ville et qu’il n’y avait pas de panneaux de signalisation, il y a de fortes chances que vous soyez perdu. Grosso modo, c’est ce qui nous arrive à nous usagers, tous les jours.

C’est pour cette raison que lorsque l’on installe des bandes ou des chemins de guidage, il est préférable de les doubler d’informations sonores surtout à l’intérieur. Il est en effet nécessaire pour la personne déficiente visuelle de savoir où va cette bande de guidage et s’il y a un croisement, les directions proposées. Il arrive malheureusement que l’on se trouve face à une forêt de bandes de guidage et l’on ne sait pas où l’on va.

Pour résumer, c’est le principe de la rue : il y a forcément une signalétique comme un panneau qui lui est associée.

Souhaitez-vous rajouter quelque chose au sujet de ces dispositifs de guidage ?

Pensez au contraste visuel ! Toutes les études ont prouvé que les chemins de guidage ne sont pas seulement suivis par des déficients visuels mais aussi par toutes les personnes ayant des problèmes d’orientation. Là le chiffre des utilisateurs change considérablement.

Et, on ne le rappelle jamais assez, pensez à la signalétique sonore !

Monsieur Jammes, nous vous remercions pour ces éclairages et pour le temps que vous nous avez accordé ! Au plaisir d’un prochain rendez-vous.

Lise

Créer une culture commune entre tous les acteurs engagés pour rendre la ville et ses services accessibles à toutes les personnes qui vivent avec un handicap, c’est ce qui m’anime au quotidien !